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Chercheuse en litterature francaise (Le genre, la lecture, les femmes et la culture), Sorbonne Universite
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Sandrine Aragon does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.
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En septembre 2019, le Nouveau magazine litteraire titrait « J’ai Rentree des autrices » ; pourtant, au cours de l’annonce des plus grands tarifs litteraires, le prix Goncourt a ete attribue a JeanPaul Dubois, le Renaudot a Sylvain Tesson, le tarifs Femina a Sylvain Prudhomme et le Grand Prix de l’Academie francaise a Laurent Binet. Plusieurs auteurs excellents ont certes ete recompenses, mais les autrices – terme que l’Academie francaise peine bien a accepter – n’arrivaient qu’en fin de liste, ne remportant pas de des tarifs nos plus prestigieux, avec des consequences evidentes sur la vente de leurs livres.
Paradoxalement, ces dames lisent plus de romans que les hommes. Selon Olivier Donnat, « les femmes devancent aujourd’hui les hommes Afin de l’integralite des activites en rapport avec le livre, qu’il s’agisse d’une frequence d’achat, de l’intensite une lecture ou de l’inscription en bibliotheque, et un pratique se caracterise De surcroi®t avec une preference marquee pour nos romans ».
L’acces des femmes a l’ecriture fut jalonne de difficultes, le genre feminin etant traditionnellement associe a la reserve et au silence. Mes taches menageres et le soin des enfants reduisaient – et reduisent toujours – leur moment accessible concernant l’ecriture. Mais a partir d’une fin du XIX? siecle, des autrices se sont faites De surcroit et puis nombreuses grace aux acquis liees a toutes les vagues successives de liberation des dames. Selon une etude, en 2006, 36,5 % des livres publies etaient signes par des dames, contre 63,5 % d’ouvrages signes via des hommes, aussi que des autrices etaient moins de 5 % jusqu’au milieu du XIX e . Alors, pourquoi les femmes ne sont-elles gui?re mieux representees au sein des palmares litteraires ?
Le sujet en place des jeunes filles au champ culturel se pose depuis le Moyen Age. Christine de Pisan, toute premiere soeur a vivre de sa plume, l’evoque au sein d’ Notre Cite Plusieurs dames. Au XVI e siecle, la Reforme autorisant les femmes a lire la Bible, « Notre querelle des chemistry application rencontre femmes » place le debat en lecture et de l’instruction feminine au premier plan. Cependant c’est au milieu du XVII e siecle qu’a lieu la toute premiere grosse vague d’alphabetisation feminine en villes.
L’ere d’une stigmatisation
Sous l’impulsion une contre-reforme, des congregations catholiques enseignant lecture et ecriture sont creees pour contrer la progression de la Religion reformee. Nathalie Zenon Davis a montre que Afin de de nombreux dames, l’adhesion au protestantisme fut avant bien votre appel a l’existence intellectuelle.
Notre mode des salons mondains au XVII e permet via ailleurs aux jeunes filles une haute societe de rencontrer Plusieurs auteurs, d’echanger des ouvrages et d’en parler. Cette intrusion des femmes parmi les critiques inquiete tant nos auteurs masculins qu’ils des nomment « precieuses ridicules ». En annees 1650, on rit de ces femmes qui pretendent discuter litterature, la critiquer et la juger. Parmi celles qui sont caricaturees, Mme de Scudery, animatrice d’un grand salon et autrice a succes (on lui doit la carte du Tendre) invite ses lectrices a parler avec le naturel et la discretion qui sieent a toutes les dames. Elle privilegie l’esprit de joie et le style familier d’la conversation, au Grand Cyrus.
Apres les precieuses,les representations de jeunes meufs devenues folles suite a leurs lectures, versions feminines du Don Quichotte continuent a avoir du succes. Les personnages de « femmes savantes », surtout celles de Moliere, dans les annees 1670, symbolisent forcement la peur de l’entree dans la sphere litteraire de lectrices, critiques et autrices.
L’emergence des lectrices et des autrices
Au XVIII e siecle, la mode des romans libertins fera apparaitre des personnages de jolies femmes qui lisent alanguies sur les sofas de Crebillon ou dans des ouvrages erotiques, sous la gouverne d’un maitre de lecture, ou seules en autodidactes, telle Mme de Merteuil qui revele sa formation dans la lettre 81 des Liaisons dangereuses.
« Je ne desirais pas de jouir, J’ai voulu savoir […] J’etudiais des m?urs en Romans, nos opinions dans les Philosophes, je cherchai meme dans les Moralistes les plus severes ce qu’ils exigeaient de nous, et je m’assurais ainsi de ce qu’on pouvait faire, de ce qu’on devait penser ainsi que ce qu’il fallait paraitre. »
Profitant de l’emergence des salons et des journaux, apres 1750, ces dames s’engagent dans l’education, sous l’influence de Rousseau et de le Emile. Elles prennent conscience qu’il faudrait eduquer leurs filles car « pour instruire, il faut etre instruite » (Madame D’Epinay, Les conversations d’Emilie). Elles commencent a obtenir des positions prestigieuses : Madame D’Epinay se voit decerner le tarifs Monthyon de l’ouvrage le plus utile a la nation avec ses Conversations (devant Parmentier et le ouvrage i propos des poires de terre) ; Madame de Genlis cree une ecole pedagogique innovante et devient gouverneur (et non gouvernante du premier age) du futur Louis Philippe ; enfin, Madame du Chatelet ecrit des dissertations de physique publiees par des academies entierement masculines.
Notre XIX e siecle voit naitre la seconde vague d’alphabetisation avec l’ecole publique, nos publications en journaux, les romans-feuilletons, les cabinets de lecture (ancetres des bibliotheques) et les colporteurs. Mes personnages de jeunes filles du peuple perdues par leurs lectures refleurissent, Emma Bovary en est l’archetype. Plusieurs dames emergent en tant qu’autrices, telle George Sand, mais les images de bas bleus suivent le succes avec des caricatures au sein des journaux, de Daumier et d’autres.
Au XX e siecle, depuis Colette au moment oi? elle decrit les emois de Claudine, Pauline Reage avec Histoire d’O jusqu’a Annie Ernaux, Christine Angot ou Virginie Despentes, l’edition ouvre grand ses portes a celles qui couchent leur sexualite concernant le papier. Au cinema, la soiree J’ai Lectrice a fixe votre image libertine. En meme temps libre, les femmes acquierent des positions nouvelles : apres la guerre, Elsa Triolet est la premiere a recevoir le prix Goncourt en 1945.
Le Deuxieme sexe de Simone de Beauvoir ouvre la voie aux mouvements feministes. Nathalie Sarraute, Marguerite Duras investissent essai et nouveau roman. Marguerite Yourcenar est la premiere femme elue a l’Academie francaise, en 1980, 345 ans apres sa composition. Aujourd’hui, dans 40 « immortels », on ne compte i nouveau que 4 dames. Et aucune femme de lettres n’est entree au Pantheon uniquement pour saluer la specialite de le ?uvre litteraire.